Circulation des connaissances et de savoir-faire sur le big data et l’intelligence artificielle en Amérique latine
Résumé
La région latino-américaine commence à développer des capacités locales dans les domaines du « big data » et de l’intelligence artificielle, mais reste en retard par rapport à d’autres pays du Sud, qui sont entrés plus rapidement dans ce tournant numérique. Cette « fracture numérique » rend les sociétés latino-américaines plus vulnérables aux risques associés à ces technologies, et plus dépendantes des solutions et des cadres normatifs imposés par les transnationales du numérique. Visant à découvrir les sources de cette « fracture », mon projet de recherche post-doctorale au Ceped examine comment les communautés scientifiques latino-américaines ont développé des connaissances, des savoir-faire et des compétences techniques liés au Big Data, comment les connaissances circulent dans la région entre acteurs publics, privés, académiques et utilisateurs, et quelles relations se tissent entre le Nord et les pays du Sud. Pour ce faire, je me suis d’abord intéressé au processus de formation et de transmission des savoirs dans l’enseignement et la recherche universitaires. A partir d’une analyse bibliométrique, j’ai identifié et caractérisé les réseaux de production scientifique et de collaboration sur le big data et l’IA en Amérique latine. Cette analyse m’a permis d’identifier les principaux acteurs et sujets de recherche dans la région. Sur la base de ces résultats, j’ai ensuite effectué trois visites de terrain en Équateur, au Chili et au Mexique, au cours desquelles j’ai rencontré et interrogé une centaine d’experts : chercheurs, représentants d’ONG, professionnels des technologies, autorités publiques et autres parties prenantes. Les résultats préliminaires de l’analyse des données recueillies montrent que, même si le déploiement et la mise en œuvre de ces technologies est un domaine en pleine expansion, l’Amérique latine manque de connaissances, de savoir-faire, de réseaux de collaboration locaux et régionaux, ainsi que d’accès aux données et à l’infrastructure nécessaires au développement des compétences locales. De plus, l’essor de ces technologies entraîne un double mouvement de privatisation et de transnationalisation des infrastructures et des experts locaux déjà peu nombreux dans ces domaines. Cela suggère que les anciennes structures de dépendance qui ont caractérisé l’histoire de l’Amérique latine fonctionnent toujours, mais sous un nouveau visage.
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