2012

Mode de structuration et modélisation du répertoire langagier. Contribution pour la formation des enseignants de langues à une didactique du plurilinguisme

Marion DUFOUR

Thèse de socio-didactique soutenue par Marion DUFOUR sous la direction de Christine DEPREZ à l’université Paris V Descartes le 22 octobre 2012.

Contact : marion.dufour chez ceped.org

Résumé de la thèse

Cette thèse poursuit l’objectif d’aider les enseignants de langues à s’approprier la notion de répertoire langagier, concept capital en didactique du plurilinguisme qui peut être défini comme l’ensemble des styles de parole que possède un acteur social donné et dont il peut jouer, selon les situations, en faisant appel à tel ou tel style. Elle s’inscrit donc à la fois dans le domaine de la formation initiale et continue des enseignants de langues et dans celui de la didactique du plurilinguisme.
Elle trouve son origine dans une expérience d’enseignement du FLE en contexte plurilingue en Tanzanie, au cours de laquelle j’ai rencontré de nombreuses difficultés qui m’ont conduite à considérer que la représentation des langues et de leur enseignement que je m’étais construite constituait un obstacle épistémologique pour proposer des solutions appropriées. Cette rétroaction du terrain sur les théories m’a permis de poser l’hypothèse que la didactisation de la notion de répertoire langagier n’avait peut-être pas été faite jusqu’au troisième niveau de la transposition didactique, à savoir celui des savoirs enseignés aux savoirs appropriés.
La posture de recherche que j’ai adoptée pour élaborer ma thèse a été la suivante : j’ai d’abord entamé une réflexion épistémologique visant à déconstruire mes représentations sociales des langues et de leur enseignement pour les reconstruire de manière scientifique ; cette réflexion nourrie notamment par la lecture de l’œuvre de l’ethnographe de la communication John Gumperz – auquel on doit l’élaboration du concept de répertoire langagier- et celle des travaux de chercheurs en acquisition dont l’objet de recherche est la socialisation en langue étrangère, m’a permis de clarifier le mode de structuration du répertoire langagier au plan théorique. Cette réflexion est l’objet du premier chapitre de ma première partie.
Une fois mon objet défini, pour évaluer mon hypothèse de départ, j’ai cherché à comprendre comment s’opérait la transmission de ce savoir théorique sur le répertoire langagier en didactique des langues. Pour ce faire, j’ai analysé différents « outils » didactiques : Portfolio Européen des Langues (PEL), méthodologies plurilingues et monolingues, Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues (CECRL), Description de Niveaux de Référence (DNR) pour le français (en particulier le référentiel du niveau B2), et manuels de français langue étrangère (FLE) et de français langue de spécialité (FLS). Cette analyse m’a permis de constater qu’il existait des outils de référence mettant en discours le répertoire langagier, mais que les enseignants avaient des difficultés à se les approprier ; j’ai également constaté que peu de manuels impliquaient une approche plurielle ; et enfin, que les genres discursifs et leur rôle dans la construction et l’interprétation des discours restaient un domaine peu connu des enseignants et peu exploré en didactique des langues (il est à noter que les genres discursifs constituent une strate au sein du répertoire langagier).
Pour contribuer à répondre à ces questions, j’ai choisi de m’intéresser aux représentations du répertoire langagier des enseignants ou futurs enseignants de FLE et de réfléchir à un dispositif les aidant à s’approprier ce concept.
J’ai ainsi proposé dans une deuxième partie des activités de sensibilisation au répertoire langagier dans le contexte d’une recherche-action-formation. L’objectif de cette recherche était de passer de l’acceptation de l’objet « répertoire langagier » en termes de sens commun à un questionnement sur cet objet en vue de sa modélisation, ce qui poserait inévitablement la question du mode de structuration du répertoire. Cette étape de conceptualisation du répertoire langagier devait contribuer à ce que les étudiants s’approprient ce concept.
Cette recherche a été réalisée dans le cadre d’un cours intitulé « Sociolinguistique du plurilinguisme », grâce au concours de douze étudiants plurilingues de licence 3 de sciences du langage de l’université de Rouen, déjà sensibilisés à la notion de répertoire langagier, et dont la très grande majorité se destinait à l’enseignement du FLE.
Elle a donné lieu à un dispositif constitué de deux parties : la première étape a consisté à demander aux étudiants-chercheurs de construire collectivement un « modèle » de répertoire langagier, puis d’approfondir leur construction en dessinant la représentation qu’ils se faisaient individuellement de leur répertoire ; et la seconde étape a visé à sensibiliser les étudiants à la notion de genre discursif, grâce à l’étude d’un extrait de l’article de Gumperz (1964) dans lequel il décrit le répertoire langagier de la communauté sociolinguistique du village de Khalapur (Inde).
Chacune de ces étapes comportait une succession d’opérations intellectuelles susceptibles de faire surgir les représentations des étudiants et de les interroger. Ainsi les étudiants ont été amenés à prendre du recul sur la notion de langue, « invention des linguistes » (Calvet, 2004), pour s’interroger davantage sur les pratiques langagières, qui, en vérité, constituent les langues. Initier ce changement de paradigme n’a pas été aisé car les représentations se construisent « à travers des formules primitives stéréotypées » (Py, 2000 :6) qui circulent dans les milieux sociaux, et non sur la réalité des pratiques langagières et des comportements. L’analyse du corpus de 12 dessins réflexifs obtenus au cours de ce dispositif ainsi que celle des interactions en classe et des mails échangés qu’il a suscité, a permis de mettre en évidence que les représentations que ces étudiants ont des langues, de la compétence de communication, et de leur répertoire constituent des obstacles épistémologiques pour la compréhension de la notion de répertoire langagier.
Ainsi cette recherche souligne d’une part l’importance capitale de faire réfléchir les enseignants de langues, au cours de leur formation initiale et continue, à la manière dont ils se représentent leur répertoire langagier, de manière à ce qu’ils puissent être en mesure de développer un enseignement réflexif des langues dans une approche plurielle ; et d’autre part l’importance de leur permettre de s’approprier une approche sociolinguistique des langues, et de les sensibiliser aux genres discursifs, de façon à ce qu’ils puissent aider leurs apprenants à développer leurs compétences sociolinguistique et discursive, et à se vivre comme des acteurs sociaux.

Mots-Clés

Répertoire langagier, genre discursif, autonomie d’apprentissage, éducation plurilingue, conscience langagière, représentations sociales, acteur social.

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