Projets achevés

Et si on parlait autrement de l’immigration ? Recherche participative sur l’immigration, le travail et les savoirs en France

Axe de rattachement

Membres du Ceped participant au projet

Membres extérieurs au Ceped participant au projet

  • Kasser Korhili (Association Transmission Développement)
  • David Oppetit (Ingénieur du son et créateur sonore)
  • Hélène Servel (Journaliste indépendante)
  • Manu Théron

Partenariat

  • Laboratoire population, environnement et développement (LPED)
  • Association Transmission Développement (Marseille)
  • Radio Grenouille (Marseille)

Résumé

Dans l’imaginaire collectif en France, persiste l’idée que les travailleurs étrangers (aussi qualifiés de migrants, immigrés, exilés, sans papiers) exercent pour la majorité d’entre eux des activités sans grande valeur économique ni savoir-faire particulier et très souvent déconsidérées par les travailleurs nationaux. Si, pour la première fois dans le débat public, la contribution économique des travailleurs étrangers a été citée à quelques reprises durant le premier confinement mis en place en mars 2020, l’image du travailleur étranger, qui le réduit à l’état de bras ou de main d’œuvre servant de variable d’ajustement dans l’économie nationale, n’a pas été remise en cause. Pourtant le contexte de la crise de la pandémie, a clairement révélé et pour la première fois à si grande échelle, comment les travailleurs étrangers occupent en majorité des secteurs d’emplois en lien direct avec les besoins de première nécessité pour tous. Qu’il s’agisse des personnels de nettoyage, de sécurité, de ramassage des déchets, de livreurs, de caissières et de personnels assurant la logistique (dont les transports), de travailleurs agricoles saisonniers, de personnels hospitaliers, ou encore d’étudiants, de doctorants et de chercheurs dans les laboratoires traitant la question des pandémies, ces travailleurs ont continué à exercer leur métier tout au long du confinement, au péril de leur vie et sans recevoir toute la reconnaissance qu’ils méritent.

Cette recherche a pour objectif d’aller à la rencontre de ces femmes et de ces hommes qui font, aussi, la France d’aujourd’hui. En partant du récit et de la parole de celles et ceux qui se retrouvent souvent à la marge, et les moins bien placés dans le système de production économique capitaliste – à savoir les travailleurs étrangers ou immigrés, et parmi eux en particulier les femmes –, cette recherche propose une réflexion sur la valeur sociale du travail en donnant une place centrale à ces travailleurs comme expert.e.s de leur mise en situation d’immigrés ou d’étrangers. Cette parole experte éclairera et sera à la fois éclairée par la manière dont les politiques migratoires et les législations en vigueur concernant les étrangers non européens en France s’articulent autour des mêmes logiques de dévalorisation ou d’invisibilisation des savoirs, abstraction faite du niveau de qualification ou du secteur d’emploi. Notre hypothèse centrale est que ces politiques s’insèrent dans le cadre d’une économie capitaliste caractérisée par une division internationale du travail pour extraire le maximum de profit des étrangers et des immigrés à travers leur assignation à des positions subalternisées que ce soit dans l’enseignement supérieur (services externalisés comme la restauration, la sécurité, le nettoyage), dans l’agriculture saisonnière, dans le bâtiment, dans les services de santé et d’aide à la personne, ou encore dans les métiers de la culture.

La comparaison entre différentes catégories de travailleurs nous permettra de poser la question du rôle fondamental de cette subalternisation des savoirs dans l’attribution des positions sociales occupées par les étrangers et les immigrés en France. Nous voudrions ainsi explorer la contradiction ou la mise en tension entre valorisation et subalternisation des savoirs des étrangers et des immigrés à la fois par des encadrements juridiques qui créent les conditions d’exploitation des personnes porteuses de ces savoirs ainsi que par des pratiques informelles qui encadrent les relations de travail et plus largement les relations sociales. Nous explorerons aussi comment les étrangers et les immigrés eux-mêmes se positionnent par rapport à cette question et comment celle-ci participe de leur mode de subjectivation et de la construction de leur puissance d’agir. Nous verrons également dans quelle mesure ces processus sont porteurs de stratégies d’émancipation individuelles ou de luttes collectives.

Cette recherche est multidisciplinaire (anthropologie, sociologie, histoire des sciences, démographie, sociolinguistique) et engage plusieurs acteurs non académiques. Nous proposons ici une démarche ancrée dans une approche « sensible » du lien entre capitalisme, travail et migration, dans ses déclinaisons microsociales et macrosociales. Sensible, à la fois du point de vue de la méthode d’enquête, de sa valorisation et de l’objectif poursuivi, plaçant le son au centre dans l’enquête. Il s’agit ainsi d’explorer ce lien par le sensible de la voix, de la parole, des interactions et de l’environnement sonore du travail. Cette démarche permet également de capter et transmettre la parole et le vécu de personnes qu’on entend très peu. Le son est ainsi utilisé à la fois comme méthode d’enquête, mais aussi comme mode de transmission et de diffusion, notamment à travers des émissions radiophoniques qui seront réalisées tout au long du processus. La recherche se base également sur une analyse de l’évolution des politiques migratoires et de l’évolution du droit du travail des étrangers dans différents secteurs en France (notamment en ce qui concerne les étudiants et les travailleurs agricoles). Elle émane d’une collaboration entre l’Institut de recherche pour le développement (UMR Centre Population Développement, CEPED, et Laboratoire population, environnement et développement, LPED), l’Association Transmission et développement, basée à Marseille, et Radio Grenouille. Et ce réseau sera amené à s’élargir au fil de l’enquête.

Mots clés

Migrations, Savoirs, Travail, Son, Politiques migratoires, Droit, Capitalisme

Zone géographique

France

Calendrier

2020 - fin non définie

Contact

Courriel  : Lama.kabbanji chez ird.fr

Résultats et valorisation

  • KLEICHE-DRAY Mina, Travailleurs étrangers, savoirs et racisme : La visibilisation et la racialisation1 des travailleurs agricoles saisonniers au temps de la Covid-19, article en cours de publication et présenté aux Journées des Ecologistes, août 2020
    voir son intervention
  • 3 émissions radiophoniques diffusées sur les ondes de Radio Grenouille dans le cadre du festival Africa 2020

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