2011 • 12

La maternité chez les femmes vivant avec le VIH/Sida dans les territoires français d’Amérique : Guadeloupe, Guyane, Martinique, Saint-Martin

Estelle Carde et Dolorès Pourette

Résumé

L’épidémie du VIH/sida, dans les Départements Français d’Amérique (DFA) et la commune de Saint-Martin, se caractérise par des taux d’incidence six fois supérieurs à ceux de la métropole et une transmission hétérosexuelle importante - les femmes y représentent près de la moitié des personnes infectées.

L’objectif de cette recherche était d’analyser les processus de décision, de vécu et de prise en charge de la procréation, pour les femmes vivant avec le VIH/sida dans quatre territoires français de la Caraïbe : la Guyane, Saint-Martin, la Guadeloupe et la Martinique.

Elle a été réalisée en 2009 par entretiens semi-directifs et observations auprès de 41 femmes concernées par la maternité (enceintes, en désir de grossesse, ou ayant eu au moins un enfant depuis leur dépistage) et de 94 professionnels de la santé et du social qui les prennent en charge.
L’analyse a porté sur l’offre de soins, les représentations et les pratiques des femmes, et celles des professionnels.

Sur les quatre terrains, l’absence de maîtrise de leur sexualité caractérise le parcours reproductif des femmes, que leur partenaire soit informé ou non de leur séropositivité, qu’il soit désireux ou non d’avoir un enfant. Les femmes affirment accorder une grande importance à la maternité, en dépit du contexte du VIH, d’où leurs réticences à interrompre une grossesse déjà engagée. Cependant les femmes étrangères et en situation de précarité expriment beaucoup plus rarement un désir d’enfant que les femmes françaises. Alors que les premières ne semblent pas anticiper cet événement, les secondes ne l’envisagent souvent que de façon réfléchie, après avoir dans un premier temps suspendu tout projet de procréation par crainte de la transmission à l’enfant.

Les femmes étrangères comme les françaises démarrent le plus souvent leur grossesse sans en informer les soignants, et ce malgré les relations le plus souvent bonnes qu’elles entretiennent avec ces derniers.
Le risque de transmission à l’enfant est la principale inquiétude des femmes enceintes, et leur première motivation pour être observantes. Des ruptures de suivi sont néanmoins observées, notamment chez des femmes contraintes de cacher leur séropositivité, y compris à leur partenaire, par crainte de la stigmatisation et du rejet.

Les professionnels sont globalement satisfaits de leur prise en charge, et sont soulagés de pouvoir accompagner un processus qu’ils déconseillaient à leurs patientes il y a encore une quinzaine d’années.

Cette prise en charge est cependant compliquée, en Guyane, par les grandes distances et des difficultés de communication entre les soignants et les patientes étrangères. Par ailleurs, sur les quatre terrains, les professionnels regrettent les difficultés socio-économiques et administratives qui interfèrent sur le suivi médical des femmes et de leurs enfants. Ils mettent en place diverses mesures, passant souvent par la pluridisciplinarité, pour tenter de maintenir le suivi des femmes pendant et entre les grossesses, et pour assurer la prise en charge des nouveaux-nés.

Enfin, l’absence de centre de PMA accessible aux couples concernés par le VIH dans ces territoires et la complexité de l’accès à de tels centres en métropole réduisent considérablement les possibilités de procréation des femmes séropositives ayant un problème de fertilité et/ou dont le conjoint est également séropositif, surtout quand elles sont étrangères.

Le rapport se conclut par une série de recommandations visant l’amélioration des conditions sociales et médicales de la maternité chez les femmes vivant avec le VIH/sida.

Mots-clés

Femmes, VIH/sida, Départements français d’Amérique, maternité, immigration, PTME.

Working Paper 12
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