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Séminaire sur les approches postcoloniales (SAP) - Suzie Telep : « Whitiser, c’est parler comme un blanc ». Pour une approche postcoloniale du langage

7 décembre 2021
17h-19h
Séminaire sur les approches postcoloniales (SAP) - Suzie Telep : « Whitiser, c’est parler comme un blanc ». Pour une approche postcoloniale du langage
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@ CERI - Salle Jean Monnet

CERI - Salle Jean Monnet 56 rue Jacob - 75006 Paris

L’objet de ce séminaire mensuel est de construire un espace qui accueille des doctorant.e.s et des professeur.e.s, ainsi que des étudiant.e.s de masters intéressé.e.s par ces approches scientifiques. Le format régulier de ce séminaire consiste en une présentation d’un travail de recherche suivie d’une discussion.

3e Séance : « Whitiser, c’est parler comme un blanc ». Pour une approche postcoloniale du langage

  • Lieu : CERI, salle Jean Monnet, 56 rue Jacob, 75006 Paris
  • Invitée : Suzie Telep
  • Discutante : Salomé Molina et PADIOU Iris
  • Format : Conférence

Résumé

Cette présentation s’inscrit à la fois dans les champs de la sociolinguistique, de l’anthropologie linguistique nord-américaine et des Postcolonial Studies. Elle vise à montrer l’apport des théories postcoloniales pour l’analyse des pratiques langagières et sémiotiques de sujets racialisés en France. Pour ce faire, je propose d’analyser le rôle du langage et du corps dans les processus de subjectivation politique chez une militante racialisée, dénommée Emilie, consultante dans le domaine de la mode et du luxe. Le corpus recueilli, constitué de vidéos youtube d’interactions médiatiques et de photographies, a été constitué au cours d’une enquête ethnographique de deux ans dans une association panafricaine de militants afrodescendants d’origine camerounaise à Paris, visant à analyser les formes de la « whitisation » chez ces sujets racialisés, soit l’ensemble des pratiques langagières et sémiotiques consistant à imiter les manières de parler et de se comporter des « blancs » ou des occidentaux (Telep 2019). J’analyserai les marques phonétiques et corporelles de la subjectivation politique chez Emilie dans une perspective intersectionnnelle, au croisement des rapports de race, de genre et de classe (Crenshaw 1991). Dans un premier temps, je montrerai comment ses pratiques corporelles s’opposent à une représentation coloniale infériorisante de la « femme noire africaine » (Boëtsch et Savarese 1999). Dans un second temps, je montrerai comment la whitisation au niveau corporel et phonétique permet à Emilie de performer un ethos professionnel de femme noire entrepreneure appartenant aux classes supérieures des dominants économiques, qui se conforme aux « images des corps légitimes du point de vue du genre [de la classe] et de la race » (Boni-Le Goff 2016 : 164). Je montrerai aussi dans quelle mesure le critère de l’audience visée (Bell 1984) joue un rôle plus ou moins déterminant dans la variabilité stylistique observée. En conclusion, je reviendrai sur l’ambivalence du processus de subjectivation politique chez ce sujet doublement minorisé, du fait des rapports de domination raciaux et genrés, à travers la tension permanente entre assujettissement et émancipation (Butler 2002).

Bibliographie

Bell, A., 1984, « Language Style as Audience Design », Language in Society, 13 (2), 145-204.
Boetsch, G., & Savarese, É., 1999, « Le corps de l’Africaine. Érotisation et inversion », Cahiers d’Études africaines, 39 (153), 123-144.
Boni – Le Goff, I., 2016, « Corps légitime », Encyclopédie critique du genre, Paris : La Découverte, 159-169.
Butler, J., 1997, The Psychic Life of Power : Theories in Subjection, Stanford : Stanford University Press.
Crenshaw, K., 1991,
Telep, S., 2019, « Whitiser, c’est parler comme un Blanc ». Langage, subjectivité et postcolonialité chez des militants afrodescendants d’origine camerounaise à Paris, thèse de doctorat, Université Paris-Descartes.

Lieu

Cet évènement se déroulera en présentiel au CERI. En raison de l’application des consignes de sécurité, les retardataires ne seront pas acceptés.

Inscriptions pour les internes à Science Po
Inscriptions pour les externes à Sciences Po

Membres

Responsables scientifiques

  • KLEICHE-DRAY Mina, directrice de recherche IRD, HDR, Université de Paris/Ceped
  • Frédéric Ramel, professeur agrégé des universités, Sciences Po-CERI.

Comité d’organisation

  • Ayrton Aubry (doctorant, CERI)
  • Pablo Barnier-Khawam (doctorant, CERI)
  • Léonard Colomba-Petteng (doctorant, CERI)
  • Claire Duboscq (doctorante, CERI)
  • Aline Martello (doctorante, Université de Lausanne)
  • LANDGRAF CASTELO BRANCO Luciana (doctorante, Ceped, Université de Paris-IRD)
  • Salomé Molina (doctorante, CLESTHIA, Université de Paris)
  • PADIOU Iris (doctorante, CEDITEC, Université Paris-Est Créteil)
  • Louise Perrodin (doctorante, Université Paris-Est Créteil/LIPHA)
  • TOURE Niandou (enseignant-chercheur à l’USJPB (Mali), chercheur associé au Ceped et à l’UMR Développement et sociétés)
  • VAMPO Charlotte (post-doctorante, chercheuse associée au Ceped, LPED, Université Aix-Marseille)
  • Binxin Zhan (doctorante, CERI)

en partenariat avec Sciences Po CERI

A PROPOS

Le premier semestre d’existence du SAP confirme le constat dressé dans sa première présentation : les approches postcoloniales (anti-coloniales, études subalternes, postcoloniales, décoloniales) occupent une place mineure dans l’enseignement et la recherche en sciences sociales en France, alors qu’elles y occupent une place significative dans l’espace international. Peu de centres de recherche se consacrent à la situation postcoloniale ou à ses manifestations et évolutions contemporaines.

Pourtant, de nombreux doctorant.e.s et chercheur.se.s travaillent sur les questions postcoloniales. La mise en place d’un espace de réflexion, de discussion, d’actualisation des débats et de partage sur cette question s’impose. L’objet de ce séminaire mensuel est de construire un espace pour accueillir des doctorant.e.s, des chercheur.ses, des étudiants de masters qui discutent ces approches scientifiques ainsi que des militants qui en font usage en dehors du milieu académique.

Le format régulier de ce séminaire consiste en une présentation d’un travail de recherche achevé ou en cours, suivie d’une discussion. Nous sommes un séminaire partagé entre le CEPED (Université de Paris et Institut de recherche pour le développement) et le CERI (Sciences Po). Grâce aux réflexions menées entre les deux institutions en 2019, nous avons défini les axes de recherche suivants :

Axe 1 : (Post)colonalisme, impérialisme, et histoire

Bien que le terme “postcolonial” ne renvoie pas seulement à l’après-décolonisation, il reste étroitement lié à l’histoire du fait de son renvoi constant aux périodes marquées par différentes formes de colonisation et l’expansion impériale de la science moderne. Cet axe propose ainsi de réfléchir aux liens entre histoire et approches postcoloniales tant sur le plan empirique que théorique.

Axe 2 : Approches postcoloniales et activités militantes

Le lien entre approches postcoloniales et activités militantes est autant utilisé à charge contre ces approches que pour en louer l’épistémologie située. Cet axe a donc pour objectif d’éclaircir la construction des rapports entre activité scientifique et militantisme dans les approches postcoloniale en dialoguant aussi avec ceux qui s’en saisissent pour l’action.

Axe 3 : Approches postcoloniales et SHS

Cet axe vise à penser la place des approches postcoloniales dans le renouvellement des SHS. Dans quelle mesure l’approche critique par la différence qu’elles proposent en critiquant l’universalisme des SHS permet de remettre en cause leurs fondements épistémologiques ? Quelles opérations méthodologiques produisent-elles pour désenclaver l’approche monodisciplinaire et eurocentrée des sciences humaines et sociales ?

Axe 4 : Lecture critique de la réception des approches postcoloniales

Cet axe s’attache à l’étude des circulations, réceptions, transformations des approches postcoloniales ainsi qu’aux résistances qu’elles rencontrent dans différents contextes. Il vise à comprendre les causes, les effets et les changements provoqués par les approches postcoloniales tant dans l’espace scientifique que social.