54, rue Saint-Jacques
75005 Paris
Montserrat Alom soutient sa thèse de sociologie, "Les stratégies d’acteurs dans les collaborations scientifiques avec le Sud. Chercheurs et agences de financement dans les sciences sociales", réalisée sous la direction de Rigas Arvanitis.
Devant un jury composé de :
Michel Grossetti
Dominique Vinck
Rosa Aparicio Gomez
Delphine Mercier
Rigas Arvanitis
Résumé :
Au cours des dernières décennies la recherche scientifique a été marquée par l’adoption d’un mode de financement sur projets et d’un nombre limité de thématiques éligibles. Ces évolutions sont allées de pair avec l’essor des collaborations scientifiques internationales et avec une compétition accrue entre chercheurs et organismes de recherche. L’ancienne configuration mondiale de la recherche où un nombre réduit d’agences du Nord subventionnait des projets de recherche pour le développement du Sud a cédé face à la prolifération et à la restructuration des agences de financement au Sud.
Sur la base de ces évolutions, nous nous sommes posé plusieurs questions intéressant la recherche pour le développement du Sud : de quelle manière les chercheurs en sciences sociales traduisent les politiques des agences qui les financent pour également faire valoir leurs propres questionnements ou compétences ? Comment élaborent-ils des projets de recherche internationaux, depuis leur conception jusqu’à leur réalisation ? Comment mobilisent-ils des acteurs sociaux dans la recherche ? Nous avons également voulu savoir dans quelle mesure les stratégies des chercheurs diffèrent selon qu’il s’agisse d’agences spécialisées dans la recherche pour le développement ou pas.
Nous avons interviewé 59 chercheurs ayant participé à des projets financés par 3 agences présentant des politiques de recherche et des rapports avec le Sud très différents (Commission européenne, Centre de Coordination de la Recherche de la Fédération Internationale des Universités Catholiques -CCR-, Centre de Recherches pour le Développement International -CRDI-). En nous appuyant sur la théorie de l’acteur-réseau de Latour et Callon (ANT) et, en particulier, sur le concept d’« intéressement », nous étudions les stratégies des chercheurs, notamment du Sud, pour traduire les intérêts des agences afin d’obtenir des fonds, tout en mobilisant des acteurs sociaux dans leurs recherches. Ces stratégies sont également examinées à la lumière à la fois des réseaux d’interdépendances dans lesquels sont pris les chercheurs et des agences subventionnant les projets.
Notre recherche souligne des stratégies qui suivent un processus accumulatif dans le temps, comme celui évoqué dans la théorie des « cycles de crédibilité » de Latour. Elle nous permet également d’interpréter les processus conduisant à la réalisation des projets, qui divergent consi-déra¬blement selon les chercheurs et les agences, mais qui soulignent la capacité des chercheurs du Sud à se positionner en tant qu’acteurs à part entière (acteurs-réseau). Ceci nous amène, enfin, à réinterpréter la recherche pour le développement et les collaborations internationales.
Mots clés : collaborations internationales, recherche pour le développement, Sud, théorie de l’acteur-réseau (ANT), dispositifs d’intéressement, cycles de crédibilité, financement de la recherche, stratégies d’acteur, sciences sociales, sciences en société, mise en démocratie des sciences, impact social et politique de la recherche.