Soutenance de thèse

Mathieu Quet soutient son HDR

6 décembre 2018
16h-18h30
Mathieu Quet soutient son HDR
Soutenance de thèse
@ Université Paris Descartes (salle J536)

45 rue des Saints-Pères
75006 Paris

Mathieu Quet soutient son habilitation à diriger les recherches (HDR) sur la question des Impostures pharmaceutiques. Médicaments illicites, nouvelles géographies industrielles et luttes d’accès à la santé »

Le jury est composé de :

  • Christian Bessy (CNRS, IDHES)
  • Saradindu Bhaduri (Jawharlal Nehru University)
  • Maurice Cassier (CNRS, Cermès3)
  • Joëlle Le Marec (Celsa - Université Paris IV Sorbonne)
  • Kristin Peterson (University of California Irvine)
  • Pascale Trompette (CNRS, PACTE)

Résumé
Cette HDR traite principalement de la question des médicaments « faux » ou « illicites » dans les Suds. La lutte contre les faux médicaments (sous-standards, falsifiés, contrefaits) a pris beaucoup d’ampleur depuis le tournant du 21e siècle. Elle a été structurée à l’échelle internationale au moyen de lois, de groupes de travail, d’accords multilatéraux, de dispositifs techniques, d’opérations de police. Pourtant, ce large mouvement contre les « faux » médicaments n’a pas ou peu questionné la notion elle-même : qu’est-ce qu’un faux médicament ? La notion est plus ambigüe qu’elle n’en a l’air de prime abord : elle peut concerner aussi bien des pratiques criminelles que des pratiques criminalisées par l’État en raison du droit de propriété intellectuelle. Mais alors, qu’est-ce qu’un médicament « falsifié » ? Un médicament « contrefait » ? Un médicament « sous-standard » ? En vertu de quelles lois, de quelles normes, de quel souci de santé publique des médicaments sont-ils considérés illicites ? La lutte contre de tels médicaments fait-elle œuvre de santé publique ou masque-t-elle une stratégie commerciale qui ne dit pas son nom ? Pointe-t-elle un danger pour les populations ou promeut-elle les intérêts des Big Pharmas ?

Pour répondre à ces questions, le manuscrit débute par l’analyse d’un conflit transnational autour des législations « anti-contrefaçon ». Ce conflit, qui a impliqué plus particulièrement l’Organisation Mondiale de la Santé, l’Inde, le Kenya et l’Union européenne, permet de montrer les contradictions dissimulées par une notion telle que celle de « faux médicament ». Il met en évidence les tensions entre souci de santé publique et stratégies commerciales qui animent les politiques de lutte contre les médicaments illicites. Il ouvre ainsi la voie à trois explications alternatives au discours habituel sur la contrefaçon. Ces explications mettent en question l’interprétation dominante selon laquelle les médicaments illicites résultent de pratiques criminelles et montrent que :

1) la lutte contre les médicaments illicites résulte des transformations de la production et de la distribution pharmaceutiques à l’échelle mondiale. Elle est une réponse aux nouveaux rapports de force et aux nouvelles formes de captation de valeur qui accompagnent ces transformations.

2) la lutte contre les médicaments illicites a été formulée de façon croissante en termes de lutte contre la « contrefaçon » au cours des trente dernières années – ce cadrage « sécuritaire » témoigne d’une transformation des pratiques de contrôle pharmaceutiques et d’une intégration approfondie des questions de santé publique, des stratégies commerciales et des enjeux technologiques.

3) la lutte contre les médicaments illicites participe d’une forme de gouvernement consistant à contrôler les trajectoires des biens de consommation et à imposer un régime logistique fondé sur le projet d’une organisation absolue des flux.

L’ouvrage s’attache, à partir d’une enquête menée depuis 2010 entre l’Inde et le Kenya, à développer ces trois explications. Il recourt pour cela à l’analyse d’entretiens avec des acteurs des marchés pharmaceutiques (fabricants, distributeurs, autorité de régulation et groupes de la société civile), des analyses de corpus (presse et discours institutionnels) et une étude de la littérature grise. Au fil du récit, le médicament illicite passe ainsi progressivement du statut de « boîte noire » à celui de révélateur d’une caractéristique du capitalisme technologique contemporain : comme fantasme de mise en ordre des relations sociales par la mise en ordre des objets.