Résumé : L’exigence d’une mesure des migrations internationales dans les pays du sud est une préoccupation grandissante de la communauté scientifique, des autorités politiques et administratives des Etats, comme des instances internationales. Pour y répondre, en Afrique de l’Ouest , on ne dispose pour l’essentiel que des estimations issues des recensements de populations qui en réalité ne sont conçus ni pour ce type d’évaluation ni pour une analyse fine des mouvements migratoires, tout particulièrement dans les pays du Sud. Néanmoins, faute de données plus pertinentes, les recensements demeurent en Afrique de l’ouest une des principales sources d’information sur ce sujet. C’est dire combien pour satisfaire les besoins en cette matière, les données censitaires méritent d’être complétées par des enquêtes traitant spécifiquement des migrations internationales autant que par la valorisation des données nationales, souvent méconnues et inexploitées dont la qualité est sous-estimée.
C’est l’objectif que s’est fixé le Programme OMAE avec le projet de création d’un Observatoire des migrations internationales ouest-africaines au service d’une coopération renouvelée entre l’Afrique de l’Ouest et l’Union Européenne ». Il s’agit de concevoir et de promouvoir un outil scientifique nouveau susceptible d’améliorer la connaissance des mobilités et d’aider la Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et ses Etats-membres dans la définition de politiques publiques respectueuses à la fois des enjeux de souveraineté nationale et du droit des migrants. Un outil susceptible d’aider ces Etats à réguler, organiser et faciliter les migrations, en fonction de leurs potentiels de développement et en assurant une complémentarité des circulations Sud-Sud/Sud-Nord/Nord-Sud
Conquérir une autonomie de négociation avec les pays du nord ?
La question de départ était : de quels outils disposent les pays du sud pour réfléchir aux enjeux des migrations et renforcer leur pouvoir de décision face aux orientations de politiques publiques qu’on tente de leur imposer de l’extérieur. L’injonction implicite des pays d’immigration en cette matière peut se résumer ainsi : «Les indicateurs nous les détenons et nous allons vous indiquer ce que vous devez faire ». Aux uns la sophistication des moyens de connaissance, aux autres l’absence de données sur leurs propres réalités, avec pourtant obligation pour ces derniers de mettre en œuvre une politique décidée sans eux. L’ambition du programme OMAE était de refuser cette subordination a priori. Dans le cas particulier de la CEDEAO, le souhait était que ces questions politiques majeures intéressant chacun des Etats-membres, puissent être d’abord discutées par leurs instances politiques, avant d’en débattre - sur un pied d’égalité - avec celles du Nord. Non avec l’a priori d’une opposition systématique ni avec la volonté d’affirmer que la vérité des uns ne saurait, par principe, être celle des autres. Mais, plus positivement, pour soumettre à une discussion critique rationnelle les sujets et propositions en débat, en vérifiant la pertinence des thèses et analyses avancées, des suggestions formulées ou des programmes d’action proposés. Cela aussi fait partie du débat démocratique. C’est aussi cela l’esprit de ce programme. D’autant que comme le rappelle F.Heran « Il n’est guère possible de limiter l’analyse au seul point de vue du pays d’accueil, tant il est vrai que la politique migratoire de ce dernier retentit sur les comportements migratoires du pays d’origine ».
L’expérience d’informatisation des administrations compétentes en ces matières, conduite au Sénégal, montre qu’il est possible de relever ce défi qui vise à produire, au sein d’un observatoire scientifique, une information statistique inédite susceptible d’éclairer les processus migratoires dans l’espace de la sous région. Conçu comme un Système d’Information Décisionnel (SID), la pertinence de ce nouvel outil sera illustrée par l’analyse de données frontalières ou judiciaires contextualisées, complétées ou affinées par des résultats d’enquêtes qualitatives. L’objectif ici n’est pas de fournir une estimation quantitative des migrations et de leurs effets mais de comprendre les processus qui les sous-tendent et la relation qui se noue entre le droit, les migrations et les évolutions de la société considérée.
Mots-clés : AFRIQUE DE L'OUEST, bases de données, corpus juridique, migrations, observatoire, POLITIQUE MIGRATOIRE, trafic, traite, union européenne.